
Nous vivons une époque formidable, à bien des égards. Notre monde part en couille à bien des niveaux et, en même temps, nous n’avons jamais vécu, collectivement, dans un tel confort ni dans un tel luxe.
Il y a encore 60 ans en France, l’eau courante était un luxe rare. La plupart des foyers avaient accès à l’eau… à la fontaine du village. Il y a encore 60 ans, on achetait un pain de sucre par an, et on le grattait scrupuleusement à Noël et parfois le dimanche pour sucrer son café ou sa chicorée. Il y a encore 60 ans, on arrêtait souvent l’école parce qu’il fallait travailler à la ferme. Il y a encore 60 ans, on ne se mariait pas avec qui on voulait… Et il y a encore 60 ans, tout le monde avait un fusil chez soi, et une cave bien garnie.
Nos grands-parents étaient tous plus ou moins ce qu’on appellerait aujourd’hui des survivalistes… et les villages, hameaux et même les quartiers des villes étaient conçus pour être résilients : en cas de crise, guerre, changement brutal dans la météo ou autre, les gens pouvaient compter sur le soutien de la communauté. Les gens savaient encore s’entraider. Ils se parlaient encore…
Que se passerait-il aujourd’hui si une crise majeure survenait ?
Sans tomber dans la paranoïa, une simple grève un peu prolongée des camionneurs pourrait très vite avoir des conséquences bien réelles sur la qualité de nos repas à très court terme. Aujourd’hui, la plupart des supermarchés fonctionnent pratiquement à flux tendu pour une bonne partie de leurs produits. Livrés au minimum 2 à 4 fois par semaine, ils ont de quoi couvrir les ventes EN TEMPS NORMAL pour 2 ou 3 jours, tout au plus. Or, j’ai vu le 11 septembre 2001 que « en temps normal » et « quand ça menace de peut-être puer » sont deux choses différentes (ce jour là dans mon supermarché, dès 14h TOUS les rayons des produits de base : farine, sucre, sel, eau minérale, pâtes, etc.) étaient vides. J’ai saisi le dernier paquet de coquillettes qui traînait in extremis et une grand-mère a tenté de me l’arracher des mains (véridique), puis elle s’est excusée en disant qu’elle avait déjà connu la guerre…
Cette logique toute simple vaut pour tous les services, commerces, et services publics réellement importants que nos sociétés ultra-industrialisées nous fournissent au quotidien… Le plus souvent, un seul de ces services faillira à la fois. On ne parle alors pas de crise majeure, mais bien de problème pénible et ordinaire : l’eau chaude qui tombe en panne à cause du gel, une panne d’électricité à cause d’un blizzard au Québec, des travaux sur l’adduction d’eau qui envoie de la rouille dans le robinet, les égoûts qui se bouchent…
Comment faire, donc, pour rendre son domicile moins dépendant de tous ces services ? Pour être en mesure de s’en passer pendant quelques heures ? Sans parler de fin du monde ou de préparatifs de longue durée, on peut déjà sans gros problème être en mesure de tenir trois jours sans aucun service public. Et là, Pareto serait fier de moi : avec 20% de l’investissement en temps, énergie et argent, vous couvrirez 80% des emmerdes qui pourraient vous affecter concrètement.
Je reprends cette bonne vieille règle des trois… et je jette quelques pistes de réflexion en vrac. Je couvre ces points là, et bien d’autres, dans mon stage « survie urbaine N1 » hein, mais bon. Je partage quand-même, mode Open Source…
3 secondes avec la connerie
- la connerie, c’est d’abord l’accident domestique tout con… si vous êtes brusquement isolé, coupé du monde par une tempête de neige ou une inondation, il est grand temps de devenir très prudent. C’est bête et méchant, comme remarque, mais il faut y penser. Et dans le feu de l’action, c’est souvent assez peu évident.
- la connerie, c’est ensuite la connerie des autres : émeutes ? pillages ? intrusions ? Sans service public, ça veut aussi dire sans les gendarmes à appeler, sans les policiers qui peuvent arriver en 10 minutes… Ca veut dire assurer la défense de son domicile, de sa femme, de ses enfants. Avez-vous réfléchi à la question ?
- quiconque est déjà resté 3 jours enfermé avec des gamins (ou pire, des ados) qui s’ennuient sait qu’il faut, absolument, les occuper. Dans notre monde où ils passent le plus clair de leur temps devant des écrans, de redécouvrir les bons vieux jeux « low tech », du Jungle Speed aux Echecs, et tous ces jeux de société qui ne demandent qu’une bougie et une table pour fonctionner… Pour le reste, suite à la tempête de glace de 1998 au Québec, pile 9 mois après on a vu toutes les maternités de la zone être totalement engorgées… comme quoi les situations de survie peuvent aussi nous laisser du temps pour profiter un peu des bonnes choses de la vie ;)
3 minutes sans 02
- Connaissez vous le son de l’alerte qui va vous signaler, en cas de pollution athmosphérique soudaine, de vous calfeutrer chez vous ? Parce que non, la sirène des pompiers elle ne sert pas QUE à faire du bruit le premier mercredi du mois… Avez-vous de quoi vous calfeutrer vraiment efficacement ? Une fois calfeutré, savez-vous quels appareils ne pas utiliser pour ne pas pomper de l’air dehors ? Pour ne pas vous intoxiquer au monoxyde de carbone ?
- Si vous vous chauffez avec un chauffage d’appoint, quels risques courez vous qu’il produise du CO ? Votre maison est-elle normalement bien aérée ? Etc.
3 heures sans réguler sa température
- Avez-vous besoin d’électricité pour vous chauffer ? Pour rafraîchir votre maison ? Votre beau poêle à granules, est-ce qu’il fonctionne même sans courant ? Et votre clim ? Votre maison est-elle bien isolée ? Bien exposée ? Avez-vous un peu d’inertie thermique ? Et sans chauffage, comment pouvez vous survivre dans la maison ?
3 jours sans eau
- Il est relativement facile de stocker quelques packs d’eau minérale longtemps avant d’en avoir besoin… mais une fois ces packs épuisés ?
- Avez-vous de quoi traiter l’eau polluée du robinet ?
- Avez vous de quoi récupérer et traiter l’eau de pluie ?
- De quoi stocker l’eau traitée correctement ?
3 semaines sans manger
- Encore là, facile de stocker un peu de nourriture d’avance, mais comment la préparerez vous ?
- Quid des déchets ?
- Quid de la vaisselle ?
3 mois sans contact social…
- Avez-vous des voisins ? Avez-vous des amis ? Vos enfants sont-ils en sécurité ?
- Avez-vous de quoi rester informé, même sans électricité, de ce qui arrive dans le monde ? Une petite radio c’est bien, mais est-ce qu’elle fonctionne à piles ?
3 ans sans hygiène
(oui ok on pourrait inverser avec les 3 mois, tout dépend des gens ;))…
- Comment vous laverez vous sans eau ?
- Et le cycle menstruel ? Ca ira ? De quoi gérer ?
- Et votre pipi, et votre caca ? Vous en ferez quoi ? Parce que oui en temps normal on appuie sur la chasse d’eau et ça s’en va, et c’est traité par la magie souterraine d’on ne sait quelle force obscure. Mais là, concrètement, vous feriez comment ?
Une fois qu’on a pris soin de nos besoins fondamentaux, on se concentre aussi sur nos outils… et il y en a 5.
C²VMD.
- Conscience : redondant avec les 3 secondes avec la connerie, je sais… mais n’empêche.
- Communication : avez-vous de quoi communiquer avec le monde ? Outre le téléphone ou Internet, je veux dire ? Ne serait-ce que communiquer avec votre femme alors que vous sortez voir ce qui se passe dehors ? Comment faire ?
- Vision : un des gros trucs qu’on prend vraiment pour acquis, de nos jours, est le fait de pouvoir vivre la nuit. Quid de l’éclairage ?
- Mobilité : Avec toutes les routes bloquées, comment pourrez-vous vous déplacer ? Transporter les trucs les plus importants ? Pouvez-vous marcher avec 40kg sur le dos et un gamin qui braille à tracter ?
- Dextérité : avez-vous quelques outils ? Quelques connaissances pour bricoler ? De quoi réparer un tuyau qui fuit, un carreau cassé, de quoi ramoner votre cheminée ? De quoi fendre ou couper du bois ?
On me prend parfois de haut quand je parle de mes « 72h sans service public »… Comme si la vraie préparation aux catastrophes c’était un truc plus sérieux que ça. Soit. En attendant, si vous savez réellement gérer les 72 premières heures à tous les niveaux, les 72 jours suivants seront généralement gérables avec peu de connaissances supplémentaires ;)