Je ne suis pas survivaliste.

Eh non.

Désolé, messieurs les journalistes qui me contactez pour vous payer un survivaliste et faire de l’audimat.  Je ne suis pas, n’ai jamais été, et ne serai jamais un « survivaliste ».

Rien que parce que le mot finit en « iste » déjà.  Comme raciste, populiste, élitiste, machiste et plein de trucs pas cool du tout.  Aussi parce qu’un mot comme ça, aussi connoté politiquement, aussi chargé de clichés venant droit des USA dans lesquels divers fanatiques stockant armes et munitions attendent avec enthousiasme une fin du monde où ils pourraient enfin flinguer quelqu’un.

Un concept, c’est comme une étiquette.  C’est réducteur, et ça vous colle trop vite à la peau.

Donc non, je ne suis pas survivaliste, et en ne l’étant pas j’affirme en fait haut et fort, surtout, que je ne suis pas raciste, pas d’extrême droite, pas d’extrême gauche, pas d’extrême centre non plus, que je n’ai pas de projet politique pour l’humanité après la fin du monde, que je n’attends pas qu’un calendrier Maya me tombe sur la gueule fin décembre…  Bref, je ne suis pas survivaliste parce que j’oserais pas le dire, dans ce monde où on juge et où on démolit si facilement les gens pour se payer une bonne tranche d’audimat…

Mais oui, je me prépare.


Je me prépare à quoi ?  Et bien c’est là le truc…  je me prépare à faire face aux risques que j’ai évalués comme étant significatifs pour moi, dans le coin où je vis, sur des bases que j’ai tenté de rendre les plus objectives possibles.

Une formule simple : probabilité x gravité.  Chacun de 0 à 5.  Au-dessus de 10, on ne peut plus trop négliger le risque, et il faut prendre des mesures.  C’est tout con, mais ça marche bien.

Et j’ai listé, pour mon coin de pays.  Sismicité, glissements de terrains, inondations, catastrophes industrielles (j’habite juste à côté d’un site SEVESO…  si ça pète et que je suis là, bye bye…  Si ça pète et que je ne suis pas là, par contre, je fais comment ?), etc.

Chez moi, à part ce site SEVESO, trois risques majeurs subsistent, qu’on se démerde pour mitiger / limiter.

incendie (système électrique un peu vieux, en cours de remise en état, poêle à bois…  du coup détecteurs de fumée, jeu de vêtements complet dans la bagnole, copie des papiers essentiels chez un tiers de confiance…  extincteur…)
invasion de domicile (les statistiques sont là pour le prouver, malheureusement, par ici — du coup on a un chien, une porte et des volets, un spray et une lampe pas trop loin du lit, avec un téléphone…  et surtout une maison un peu moins belle que les autres, avec un mec un peu moins souriant et plus baraque au portail ;) –> rapport risque/bénéfice pas avantageux…) ;
rupture temporaire d’un ou plusieurs service(s) public(s) : grève des camionneurs,  manif nationale, grève des éboueurs, pb sur le réseau d’eau, panne d’électricité, etc.  (du coup on a un poêle à bois, 1 bouteille de gaz d’avance, qques jours de bouffe, un filtre à eau, quelques chandelles, quelques bonnes bouteilles de rouge et un jeu d’échec ;))…

… et voilà.

Par principe, j’aime bien, malgré tout, limiter mon niveau de dépendance aux longues et fragiles chaînes logistiques qui m’amène l’électricité, l’eau et la bouffe.  Donc mes choix vont vers des systèmes le plus indépendants et low-tech possible, sans tomber dans l’extrême.  On reste reliés au réseau d’eau, mais on peut capter et stocker l’eau de pluie.  On reste reliés à l’électricité, mais le PC est un portable, et avec deux panneaux solaires on a les trucs essentiels qui tournent…  On adore les produits frais et bio, donc on se fait un petit potager…  Rien de bien méchant, rien d’extraordinaire.  Juste du gros bon sens de base.  Juste comme les anciens le faisaient encore il y a peu : quelques conserves, quelques outils, de quoi se débrouiller et filer un coup de main.

Et de temps en temps on teste…  Hop, on coupe l’arrivée d’eau.  C’est rigolo, on est comme en camping, les enfants trippent, on en fait un jeu.  Hop, on coupe le compteur EDF.  On redécouvre les jeux de société, les histoires qui font peut à la bougie le soir, avec le poêle à bois qui crépite…

Ouais, je suis pas survivaliste.  Pourtant y’a plein de survivalistes qui sont tout simplement aussi cool que moi… ;)

Faudrait trouver un mot qui décrive bien les « preppers » pragmatiques, sans projet politique particulier, qui cherchent à être autonomes, à gérer le risque intelligemment…

(j’entends au fond de la salle quelqu’un qui me souffle « bah c’est juste des gens pas complètement débiles ! »…  pas faux ;))