Ce que je veux dire par là, c’est que jamais on n’aura un gros changement brutal et abrupt dans nos conditions de vies qui justifiera qu’on choppe nos BOBs et nos gamins sous le bras, et qu’on se casse dans nos BADs… sauf cas très particulier (incendie du domicile, inondation subite, sismologie de ouf, ou conflit militaire ouvert et de haute intensité… le genre de chose que, qu’on le veuille ou non, on peut voir venir et gérer loin en amont, si on est pas entièrement con : je vis dans une zone inondable/sismique/a haut risque ? Je me casse.).
Concrètement, ce que recherchent et parfois espèrent pas mal de « survivalistes » un peu extrêmes, c’est justement cet évènement catastrophique, cet effondrement du monde connu, cette « fin du monde » totale et abrupte qui va enfin leur donner le feu vert pour se promener avec leur flingue préféré et leur treillis (de préférence en multicam ou ACU histoire de faire comme dans les films), dans un monde simplifié, hybride entre le pays de Mowgli, le far west et mad max, avec un peu de permaculture histoire de rester crédible (sinon leur femme va vraiment mettre un terme au délire).
Faut revenir un peu sur terre, la réalité de « teotwaki/shtf/etc. » sera vachement moins glamour et moins romantique. Elle l’est déjà.
En self-défense, à l’ACDS, on parle de la « détente mentale ». De cette capacité de prendre l’initiative d’une action, quelle qu’elle soit, pour survivre à une agression en préparation ou en cours. Dans ce continuum entre la routine confortable et le fait d’être agressé, il n’y a pas souvent de rupture nette. Le plus souvent les choses évoluent graduellement, sournoisement, insidieusement, au point qu’on n’a jamais de différentiel suffisant pour déclencher notre réaction, et encore moins une action pro-active. Un bon prédateur « endort » sa proie avec une attitude limite, avec un verbatim bien rodé, avec de l’artifice… et boom. Il ne donne, et ne donnera jamais prise à une réaction de défense chez sa victime potentielle.
Une des manières de sortir de cet état de « gel » est de poser des petites actions en adéquation permanente avec les situations qui évoluent. Exemple : un individu potentiellement dangereux se rapproche trop de nous, on bouge sur le côté et on ne le laisse pas franchir la distance de sécurité. On n’a pas eu besoin pour ça de cogner, de déployer une arme, ou de commettre un acte ayant des conséquences sociales ou juridiques importantes. On a juste bougé ses pieds en restant attentif, et on continue de voir comment la situation évolue, tout simplement. On a agi. On n’est déjà plus figé…
Bien.
Maintenant, passons à la résilience sociale, à la capacité des sociétés, des groupes, des familles voire des individus à gérer les crises. Un parallèle clair peut être fait : « la merde » (whatever that is) ne nous tombera pas dessus de manière claire, brutale, et en disant « coucou c’est moi la merde, maintenant vous pouvez prendre vos BOBs et rejoindre vos BADs et éclatez vous bien c’est la fin du monde »… Non. La merde, on y est déjà, à petite dose. Un jour, avec la « livraison maximum de 69 euros » à la pompe 24/24 de mon supermarché, je n’ai pas eu assez pour faire le plein de ma voiture. Petit indicateur que là, le gasoil devient vraiment hors de prix aussi… Pas de quoi justifier les grands moyens. Pas de quoi chopper mon BOB et rejoindre le maquis. Mais ce petit signal m’a fait comprendre qu’il était temps de rouler moins, moins vite, et de marcher plus… et de me rapprocher de mon lieu de travail au maximum… etc. Un petit déclencheur de plus.
La nourriture coûte de plus en plus cher, est de plus en plus pourrie par des merdes chimiques, de plus en plus dénaturée par le génie génétique… Comme j’ai un peu de temps libre, cet hiver j’ai rempli mon composteur ras la gueule. Et j’ai retourné un bout de terrain, et j’ai bouquiné sur la permaculture… et très bientôt je m’y remets : quelques légumes de bonne qualité, quelques poules rustiques… et hop, le coût de la vie rediminue un petit peu. La qualité de notre subsistance augmente. On est un peu moins dépendants du supermarché… on fera des conserves à l’automne, éventuellement.
En clair, pour résumer, et en principe : il est inutile de réinventer une vie à côté de celle qu’on a déjà pour le moment où ça sera la crise. Inutile de prévoir de se retrancher dans les collines. La « base autonome durable » dans la montagne là où on peut voir venir les zombies, c’est, à mon avis, une belle connerie. Notre seule base autonome durable doit être notre résidence actuelle, adaptée, repensée, rendue un peu plus autonome, sans plus. Et une simple analyse des risques et des problèmes concrets auxquels on fait face, résolus avec une attitude pragmatique, citoyenne et cohérente, fera parfaitement l’affaire.
Et oui, si les hordes de zombies arrivent dans votre quartier, ou si 12 ninjas avec des kalash vous enculent vous la sentirez passer… mais bon. Ils sont l’arbre qui cache la forêt…
Apprenez à évaluer un risque. C’est la première chose à faire.