Les grigris, la plume de Dumbo et les godemichets

Quel rapport avec la survie, vous allez me dire ?  J’y viens.

Petite entrée de blog un peu énervée ce matin…  énervée contre cette société hautement matérialiste qui nous conditionne à consommer depuis 40 ans, bon poids.  Et un de ses effets pervers de base : la croyance que le matériel, que les outils changent tout à nos capacités à vivre et survivre.

Cette idée, c’est de la merde.  De la chiasse d’amphibien.  Le niveau zéro de l’intelligence sur terre (vous reconnaissez un peu le ton nasillards et hurlant du sergent d’armement Hartmann vous aussi ? ;))…

Les outils seuls ne sont rien. Pourtant, des maris inquiets mettent une bombe de spray dans le sac à main de leur femme, et ils ont leur conscience pour eux. C’est énorme. Si c’était vrai, si ce raisonnement était valable, il suffirait d’un clé à molette pour devenir mécano, ou d’un pinceau pour devenir artiste, ou d’un scalpel et d’une tenue bleue ou verte pour être chirurgien. L’outil, quel qu’il soit, n’est que l’extension de votre volonté et de vos compétences (ou incompétences, selon le cas).

Je déçois souvent les gens, en stage de survie, quand j’ouvre mon sac ou que je vide mes poches.  Le matériel que je trimballe et que j’utilise en stage de survie comme pour mes sorties perso, tout le monde peut le trouver pour pas cher à la quincaillerie du coin, et dans le magasin de sport local…  Je vois la tronche des geeks du matériel, ceux là même qui ont passé des centaines d’heures sur les forums et sur le net à traquer le meilleur matériel qui soit, qui ont investi parfois plusieurs milliers d’euros (véridique !) dans leur matériel de pointe, et qui se retrouvent à trimballer 30kg de babioles pas utiles, et qu’en plus ils ne savent pas utiliser.

En théorie, il n’y a pas de différence entre la théorie et la pratique, mais en pratique, il y en a une.  Enorme ;)

Je ne dis pas que le matériel ne sert à rien.  Attention.  Je dis que le matériel démultiplie nos compétences ou notre incompétence.  Un moniteur du CEETS, pétri (entre mes mains impitoyables ;) d’esprit de démerde depuis plusieurs années, va savoir se construire un abri avec un tesson de bouteille, de l’écorce pourrie et quelques racines de conifère.  Sans le tesson de bouteille il y arrivera quand-même, mais il mettra plus de temps…  Le tesson de bouteille devient un démultiplicateur de sa compétence à construire un abri, à improviser, à s’adapter, à créer des solutions à partir de principes qu’il a en stock dans son esprit et dans son corps.  Et au final il dormira souvent comme un bébé.

A l’inverse, on a pas mal de stagiaires qui débarquent avec des sacs de 30kg bourrés de matos de l’espace qui réussissent à passer des nuits de merde avec un sac de couchage à 500 euros, un matelas autogonflant, et un pyjama en bouclettes de polyester gavé d’ions d’argent…  pas parce qu’ils sont bêtes.  Parce qu’ils ont pris le problème à l’envers.  Ils ont suivi le conditionnement social dans lequel ils ont baigné depuis leur enfance, à savoir que pour régler un problème il faut acheter la solution.

Et je ne leur jette pas la pierre, à ceux là.  Loin de là.  Je les accueille en stage avec beaucoup de plaisir, parce qu’eux, au moins, ils franchissent le pas.  Ils passent de la théorie à la pratique.  Ils se libèrent de cette vision du monde centrée sur le matériel.  Ils viennent tester.  Ils viennent apprendre à utiliser tout ce matos.  Et à la fin du stage, ils se mettent à revendre plein de trucs parce qu’ils savent quelles pièces de matériel sont utiles, vraiment utiles, et surtout pourquoi.

Quel rapport avec les grigris et la plume de Dumbo ?  Simple : Dumbo savait voler sans sa plume, mais il n’osait pas.  Il pensait que son pouvoir de voler résidait dans sa plume.  Or, il avait tort, et à la fin il se retrouve obligé de se rendre compte qu’il savait voler sans rien.  Et les grigris, ça sert grosso merdo à la même chose.  A se rassurer.  A avoir l’impression de contrôler le monde.  De maîtriser.

Et les godes, dans tout ça ?  Même combat.  Un gode, ou n’importe quel sex toy masculin ou féminin, c’est du sexe qu’on peut acheter, contrôler soi-même, maîtriser entièrement sans prendre de risque, sans devoir s’exposer…  sans être obligé d’aller dans le monde en risquant de se prendre un râteau.  Parce que oui, un râteau ça fait mal.  Donc on a une solution simple : on achète une bite ou un vagin en plastique plus ou moins perfectionné.  On choisit la texture, la couleur et tout.  Et ensuite on s’imagine ce qu’on veut.  Tout comme les geeks du matériel qui s’achètent des répliques d’armes, du nylon 1000 deniers et des genouillères, et qui s’imaginent commando marine ou se fantasment au GIGN.

A une différence près : ils ne font rien, en vrai.

Le monde est là.  Il est riche.  Il est réel, pas virtuel.  Il y a des gens dehors du sexe qui vous attire qui n’attendent que quelqu’un vienne leur sourire et s’intéresser à eux pour s’intéresser et sourire en retour.  Il y a dehors des paysages à vous couper le souffle sur un écran vachement plus grand que le plus grand que vous pourrez jamais acheter.  Il y a dehors des guerres, des vraies, avec de vraies morts et donc de vrais héros.  Il y a dehors des coups de pieds au cul qui se perdent.  Il y a dehors tellement de choses vraies à faire en vrai !

D’acheter des merdes ne vous donnera pas accès à tout ça ;)

Par contre, oui, une fois que vous avez des compétences, des besoins réels, des projets concrets, il existe quelques outils qui vous faciliteront la tâche.  Les outils sont des démultiplicateurs.  Les bons outils démultiplient bien.  Mais les outils ne sont rien sans vous derrière. Sans vous pour les emmener jouer dehors.  Ne l’oubliez jamais.  Jamais.

Jamais :)

2 réflexions sur « Les grigris, la plume de Dumbo et les godemichets »

Les commentaires sont fermés.