Il reste toujours des solutions jusqu’à ce qu’on abandonne

Attitude SurvieDepuis bientôt 10 ans, j’enseigne aux gens à rester en vie.  Dans la nature, dans la rue, dans des accidents, au combat…

En 10 ans, j’en ai vu passer un paquet, de gens qui ne voulaient pas crever bêtement.  De gens qui ne voulaient pas subir.  J’ai eu le temps de faire un petit peu le tour du sujet.  J’ai eu le temps de me documenter sur ceux qui survivent, de voir comment ils survivent, de comprendre comment moi j’ai survécu, de voir ce qui fait qu’on survit…  ou pas.  Plusieurs bons ouvrages existent sur le sujet, notamment celui de Laurence Gonzales « Deep Survival », qui va fouiller dans les entrailles de notre matière grise pour trouver ce qui fait que certains survivent, pendant que d’autres se laissent crever…  c’est une bonne piste, mais ça manque de vécu.

Le fait est que pratiquement tous les survivants, tous ceux qui sont allés au bout de l’enfer et qui en sont revenus ont un trait en commun.

Ce trait commun, et là je ne rigole pas, c’est ce qui fait qu’en temps normal on dit d’eux qu’ils ont un caractère de merde.  Un état d’esprit, une attitude d’indécrottable entêtement, et de doute systématique de tout.  Ces gens sont extrêmement irritants à côtoyer.  C’est difficile de travailler avec eux simplement.  Ils sont généralement invivables et chiants.  Jamais dociles, toujours en rébellion contre un truc, ils refusent, s’obstinent, et ont globalement beaucoup de mal à accepter les ordres stupides, les contraintes inutiles, et de manière générale toute contrainte à laquelle ils ne voient pas de sens et d’utilité réelle.  Ils veulent toujours améliorer les choses, disent tout haut ce que tout le monde pense tout bas, et sont globalement juste ingérables.

Et ils ne lâchent JAMAIS l’affaire.

Le proverbe japonais qui exprime le mieux cette notion de persévérance est assez parlant :

七転び八起き (nana korobi ya oki : « tomber sept fois, se relever huit »…)

Un ami, ancien béret vert et globalement un chieur de première me disait un jour « you’re never out of options until you quit« .  Il reste toujours des solutions, jusqu’à ce qu’on abandonne.  Et c’est VRAI.

Notre corps, de toute manière, n’est pas grand chose de plus que l’extension de notre volonté (notre volonté réelle hein, pas seulement celle qu’on veut bien admettre ou s’avouer à soi-même).  Au niveau neurologique, au niveau chimique, notre corps obéit à ce qu’on souhaite vraiment.  Et je pense que la science a encore beaucoup de belles découvertes à faire dans ce domaine.  Mais empiriquement, n’importe quelle infirmière en soins palliatifs vous dira que les gens meurent au moment où ils arrêtent de lutter.  Ma mère a attendu que je vienne la voir, que tout soit réglé et apaisé, elle a attendu d’avoir fait ce qu’elle pouvait pour ne pas laisser de merdes derrière elle…  et elle est morte deux jours après, dans son sommeil.  Jusque là elle luttait, elle tenait, elle repoussait l’échéance parce qu’elle avait encore des trucs à faire avant d’accepter de lâcher son corps…  Quand je suis parti de la maison pour rentrer en France, alors qu’elle vivait encore, je l’ai sentie se détendre, et j’ai su qu’elle n’allait pas tarder à partir.  Et ce genre de phénomène est fréquent.  Après de longues périodes de survie, avec des blessures, des gelures, des déshydratations importantes, plein de gens tiennent bon et s’accrochent à la vie comme des morpions sur un poil de cul (dixit Anke ;)).  Puis une fois pris en charge, dans l’hélico, ils se relâchent, se croient sauvés…  et meurent.

Pratiquement toutes les cultures autochtones du monde ont des rituels qui prennent ce genre de phénomène en compte, et l’utilisent pour préparer le corps à des évènements.  Le premier exemple qui me vient est le haka…  regardez la vidéo ci-dessous, et dites moi que vous n’êtes pas prêt à partir à la guerre…

Haka Kapa O Pango

La vie est une lutte, bordel de merde.  C’est pas facile.  C’est pas doux et chaud et moelleux.  Quand on arrête de lutter, quand on arrête d’avoir envie de bouger, de vivre, d’avancer, on crève.  Parfois complètement, parfois à moitié…  mais être VIVANT c’est vachement différent de ne pas mourir.  Et d’ailleurs avoir peur de mourir, c’est vachement différent de savoir pourquoi on a envie de vivre.  Parce que oui, parfois, la mort devient une solution de facilité…  parfois vivre c’est juste plus dur.  C’est à ce carrefour là qu’on trie les survivants et les autres.

Alors oui, bien sûr, il faut réfléchir.  Oui, bien sûr, les solutions techniques, les connaissances, le savoir faire, le physique, les outils vont nous aider.  Mais ce qui est le plus fondamental, ce qui change tout, ce qui nous permettra de mobiliser nos ressources, de trouver des solutions, de continuer à chercher, c’est l’ATTITUDE.

Pyramide
Pyramide : plus c'est en bas, plus c'est fondamental...

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